1.1 Exemple introductif

Exemple 1.1 Histoire fictive pour mieux expliquer le problème de crédibilité.

  • En 1910, la compagnie d’assurance Parapluie assurait la couverture de Bombardier contre les accidents de travail;
  • Bombardier et un certain nombre de petites entreprises étaient des clients de Parapluie;
  • Suite à de nombreuses années de converture, Bombardier analyse ses coûts d’assurance et estime que ce qu’il paye en moyenne (prime d’assurance) est beaucoup plus élevé que ce qu’il reçoit (indemnités);
    • Bombardier se considère un meilleur assuré que les autres clients de Parapluie;
    • Bombardier veut obtenir des primes d’assurance moins élevées et propose à Parapluie l’arrangement suivant: que Parapluie prenne compte uniquement de son historique de sinistres et non de celui de l’ensemble des assurés pour sa tarification;
    • Bombardier justifie cela en affirmant que son expérience de sinistre est suffisante, et donc crédible.

L’argumentation semble cohérente et valide, mais on peut reconnaître rapidement qu’il pourrait y avoir quelques problèmes.


1.1.1 Implications

Les revendications de Bombardier deviennent connues et inspirent un petit constructeur indépendant, Pangloss Automobile, à calculer lui aussi l’historique de ses primes payées et de ses indemnités reçues.

  • Tout comme Bombardier, Pangloss Automobile remarque que ce qu’il paye en moyenne comme prime annuelle est beaucoup plus élevé que ce qu’il reçoit en indemnités.
  • Pangloss Automobile demande donc aussi à Parapluie que seulement son historique de sinistres soit utilisé pour le calcul de sa prime annuelle.

Se pourrait-il que Pangloss Automobile ait simplement été chanceux d’avoir un tel historique de sinistres? À partir de quelle taille peut-on considérer qu’un portefeuille d’assurance est suffisamment important pour que l’on puisse tarifer uniquement en se basant sur son expérience propre?


1.1.2 Formalisation du problème

Résumons un peu la situation:

  • Supposons que nous ayons un grand portefeuille d’assurance et le coût moyen observé par assuré, pour la totalité du portefeuille, est noté \(\mu\);

  • Nous observons un assuré particulier pendant \(T\) années;

  • Pour cet assuré, nous avons enregistré les montants annuels de sinistre \(x_1, x_2, \ldots, x_T\), avec la variable \(x_t\) représentant la charge totale de sinistres générée par cet assuré pendant sa \(t^e\) année d’observation;

  • Notons ainsi:

    \[\overline{X}_T = \frac{x_1 + x_2 + ... + x_T}{T}.\]


Quelles sont ainsi les possibilités de tarification de la prime au temps \(T+1\) (notée \(p_{T+1}\)) ?


  1. Réclamer un montant \(\overline{X}_T\) à l’assuré \(p_{T+1} = \overline{X}_T\). Toutefois, dans ce cas, on renoncerait à toute mutualisation du risque. De plus, une autre conséquence est qu’il devient difficile de tarifer les assurés qui n’ont pas de sinistre. Faudrait-il les couvrir gratuitement ?

  2. Continuer à exiger une prime collective \(\mu\), provenant de la tarification a priori. La prime serait donc identique pour tous les assurés, soit \(p_{T+1} = \mu\). Le problème est que cette solution pourrait ne pas satisfaire les bons assurés du portefeuille, comme Bombardier. Ces assurés pourraient ainsi partir s’assurer chez d’autres assureurs leur offrant une prime moindre.


On peut aussi proposer une sorte de compromis entre ces deux positions extrêmes. Ainsi la prime exigée par la compagnie pour accorder sa protection durant l’année \(T+1\) aurait la forme:

\[p_{T+1} = \mathsf{Z} \times \overline{X}_T + (1 - \mathsf{Z}) \times \mu,\]

\(\mathsf{Z}\) est le facteur de crédibilité. Il mesure la crédibilité que l’on peut accorder à l’expérience de sinistres observée \(\overline{X}_T\).


1.1.3 Objectif de la théorie de la crédibilité

L’objectif fondamental de la théorie de la crédibilité est de trouver une fondement théorique juste afin calculer le plus précisément cette valeur de \(\mathsf{Z}\), qu’on appelle le facteur de crédibilité.