2.2 Autres considérations pratiques

Ce chapitre expose (en partie) la base pragmatique et pratique nécessaire pour la tarification en assurance non-vie. Partant d’un historique de réclamations collecté dans une base de données, nous avons compris que la moyenne empirique pourrait correspondre à la prime pure. Nous avons ensuite vu qu’un chargement de sécurité, ajouté grâce à des principes de primes, pouvait permettre de charger davantage pour des produits d’assurance plus dangereux pour l’assureur.

Pour passer de la prime pure à la prime réellement demandée aux assurés, les actuaires doivent considérer d’autres éléments qu’il convient de couvrir ici.


2.2.1 De la prime pure (chargée) à la prime nette

Plusieurs autres coûts et charges se doivent d’être ajoutés à la prime pure (chargée) pour obtenir une prime nette.

Historiquement, en notant la prime pure chargée par \(PPc\), les actuaires proposent la forme suivante de la prime nette (\(PN\)):

\[ PN = \frac{PPc+F}{1-V-Q} \]

où:

  • \(PN\): Prime nette par unité d’exposition;
  • \(PPc\): Prime pure chargée par unité d’exposition;
  • \(F\): Dépenses fixes par unité d’exposition;
  • \(V\): Dépenses variables par unité d’exposition;
  • \(Q\): Profit et autres éléments.

Exemple 2.6 Supposons les éléments suivants:

  • Prime pure de 70$;
  • Prime pure chargée de 75$;
  • Dépenses fixes de 12.50$ (frais d’impression des contrats);
  • Dépenses variables de 17.50% (commission au courtier d’assurances);
  • Profit de 5%.

Calculez la prime nette (\(PN\)).

(Exemple à faire à la maison)

Il est intéressant d’analyser l’équation de la prime nette et de faire quelques observations:

  • Une dépense fixe est davantage absorbée par une grosse \(PP\) qu’une petite \(PP\);
  • Un assureur se fait davantage de profits (espérés) pour un gros risque qu’un petit risque;
  • Un courtier d’assurance a plus de revenu en souscrivant des assurés ayant de grandes primes d’assurance (en souscrivant des assurés dangereux?);
  • Pour être rentable, le montant de sinistre de l’assuré en exemple ne doit pas être supérieur à 75$. Sinon, le profit sera tout d’abord grugé et ensuite l’assureur perdra de l’argent. Donc, pour une prime de 112.50$, l’assureur ne peut payer que \(75/112.50 = 66.6\%\) de la prime en sinistre.

De la prime pure chargée, nous avons calculé une prime avec d’autres charges, appelée prime nette.

Toutefois, une autre étape existe pour passer de la prime nette à la prime réellement demandée aux assurés, ce qu’on appelle la prime commerciale (\(PC\)).

En effet, après le calcul des actuaires, les dirigeants d’une compagnie d’assurances (avec le département marketing par exemple) peut décider de sélectionner une prime commerciale égale à la prime nette, mais peut aussi décider que la prime commerciale soit bien supérieure ou inférieure à la prime nette, pour des raisons commerciales, pour des raisons d’affaire.


La science actuarielle inclut maintenant ce genre de considérations dans ses modèles de tarification avancés. En effet, la rétention des assurés dans le portefeuille, par exemple, est de plus en plus utilisée. Par exemple:

  • Statistiquement, il a été montré que les assurés plus âgés ne changeaient pas beaucoup de compagnie d’assurances. Ainsi, il peut être profitable pour un assureur de volontairement diminuer la prime d’assurance des personnes de 50-60 ans, afin que ces dernières soient encore assurées à 60 ans et plus (et qui deviennent ensuite captives).

  • Des études de marché ont montré que les assurés seront satisfaits s’ils reçoivent une diminution de prime d’assurance, peu importe l’ampleur. Ainsi, même si les calculs actuariels indiquent qu’une diminution de 20% pourrait être justifiée pour des assurés, l’assureur pourrait n’offrir qu’une diminution de 1%, 2% ou 5% à son assuré, sans que celui-ci quitte vers une autre compagnie d’assurances.

  • etc.


2.2.2 Différents rapports

Le Loss Ratio (LR), ou encore le rapport sinistre/prime en français, correspond au ratio entre les coûts encourus et les primes récoltées par l’assureur.

\[LR = \frac{\sum_{i=1} S_i}{\sum_{i=1} PC_i} \]

\(LR\) est le rapport sinistre/prime du portefeuille, \(S_i\) la charge totale de l’assuré \(i\) et \(PC_i\) la prime commerciale demandée à l’assuré \(i\).


Le Expense Ratio (ER), ou encore le rapport de dépenses en francais, correspond au ratio entre les dépenses encourues (telles que les frais fixes et frais variables) et les primes récoltées par l’assureur.

\[ER = \frac{E}{\sum_{i=1} PC_i} \]

\(E\) sont les dépenses totales, et \(ER\) est le rapport de dépenses du portefeuille, et \(PC_i\) la prime commerciale demandée à l’assuré \(i\).


Le balanced point, ou encore le permissible loss ratio ou le rapport sinistre/prime admissible, correspond à

\[LR(max) = 1 - V - Q\]


Techniquement, on calcule souvent le \(LR\), ou le \(ER\) pour une période définie, par exemple pour l’année calendaire 2018. Ainsi, dans un tel cas:

\[LR(2018) = \frac{\sum_{i=1} S_i(2018)}{\sum_{i=1} PC_i(2018)} \]

\(S_i\) sont les sinistres survenus en 2018 pour l’assuré \(i\) et \(PC_i(2018)\) est la prime commerciale de l’assuré \(i\).


En pratique, selon la branche de l’assurance (automobile, habitation, assurance commerciale), et encore le mode de distribution (direct ou par courtier), on évalue qu’un assureur doit avoir un rapport sinistre/prime global entre 67% et 72% pour être rentable.


Exemple 2.7 Un très petit portefeuille d’assurance contient 3 polices d’assurance:

Numéro d’assuré Date effective de police Prime annuelle Date de sinistre Montant de sinistre
1 1er juin 2017 au 31 mai 2018 1200 Aucun -
2 1er février 2017 au 31 janvier 2018 2400 1er mai 2017 400
3 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018 600 1er février 2018 6000

Si on suppose que tous les mois ont 30 jours, calculez le rapport sinistre/prime pour les années 2017 et 2018 pour l’assureur.

(Exemple à faire en classe)